La Câprerie.

 

Histoire de câpres...   En route pour Lascours

Près d'une année est passée depuis notre dernière rencontre autour de la culture du pois chiche. Je retrouve mes deux compères,

Robert Négrel et Albert Riboulet qui m'accueillent d'un sourire franc. Les rires fusent au souvenir de l'utilisation de la

ventarelle et du nuage de poussière qui nous avait recouverts (voir Roquevaire Magazine n° 12)! Le sujet du jour : la câpre. Ils m'en parlent avec passion...Le câprier commun ou câprier épineux (Capparis Spinosa) est un arbrisseau rampant d'une hauteur maximum d'un mètre trente. Son nom provençal est “ Tapenié ”, d'où la fameuse tapenade bien connue ici chez nous. Depuis l'Antiquité, on le cultive essentiellement dans le bassin méditerranéen, car il a besoin de soleil, et en pleine terre sur un sol pauvre et caillouteux ou entre les pierres d'un vieux mur mais à l'abri du vent, car c'est là qu'il pousse le mieux.

Lascours bénéficie de toutes les conditions pour produire des câpres: un ensoleillement record, le massif du Garlaban pour se protéger du mistral, celui de la Sainte Baume pour faire face au vent d'est. Il existe plus de 150 espèces de câpriers

(Certaines n'ont d'ailleurs pas d'épines).

En hiver, précise Albert, l'arbuste est coupé à ras et recouvert de terre à cause du gel, pour une repousse plus vigoureuse des rameaux au printemps. Le câprier est difficile à reproduire. En semis, les graines sont délicates à faire germer et à transplanter. L'autre technique consiste à séparer une souche en deux et à les replanter (le marcottage). Et surtout bien arroser. Plus on l'arrose, plus il y a de branches. Plus il y a de branches, plus il y a de feuilles, et donc plus il y aura de câpres comme le souligne Robert, car chaque feuille produit un bourgeon (ou bouton). Câpre et capron ce n'est pas la même chose !

La câpre (et oui, c'est un nom féminin), est le bouton à fleurs du câprier que l'on coupe avant qu’il ne s’ouvre. Alors que le capron, beaucoup plus gros, c'est le fruit.

La période de floraison s'étale depuis le mois de mai jusqu'aux premières gelées d'octobre, et on peut admirer sur un sujet adulte, jusqu'à 40 ou 50 fleurs. Les fleurs, si belles et délicates, ne durent guère plus d'une journée. Comme les papillons qui ont aussi une durée de vie éphémère, elles ont des beaux apparats : 4 pétales blancs, de nombreuses étamines en faisceau rosées, très parfumées, qui dépassent de la corolle. Mais revenons-en à nos boutons... A Lascours, ce sont les femmes du village qui les cueillaient à la main (avec des vieilles chaussettes qui leur servaient de gants), elles nouaient leur tablier pour y mettre leur récolte. Les câpres étaient ensuite triées avec un tamis, appelé "cravéou". Autrefois, le grand-père de Jean-François Bérenger, "Thonin", en ramassait environ 700 kg sur une parcelle de 5000 m.

La production s'est arrêtée à l'arrivée de la première guerre mondiale. Il y avait deux

coopératives, une à Lascours (tenue par le grand-père de Roselyne Vautrin), et l’autre à Roquevaire, surnommée la Capitale de la câpre

(voir encadré). La récolte était portée à la conserverie de Marseille (quartier St Loup) où la douane faisait payer une taxe, “l'octroi”.

Même les œufs étaient portés à Marseille et taxés. Pour y échapper, les femmes en cachaient certains dans leur soutien-gorge,

s'en amuse Robert. Aujourd'hui, sur la commune, la câpre est essentiellement une culture d'appoint.

Les câpres sont conservées confites dans du vinaigre. Pour éliminer le goût amer des câpres brutes, il faut au préalable les faire tremper

dans une solution salée pendant une semaine avant de les rincer et les mettre au vinaigre. Albert, 20 Le cravéou.

 

Roquevaire, capitale mondiale des câpres

La culture des câpriers s'est développée dans nos collines, au cours du XVIII ème siècle, pour atteindre son apogée à la fin du XIX ème et puis, s'effondrer subitement. En 1836, la ville de Roquevaire a été désignée comme "capitale mondiale de la câpre" et en produisait jusqu'à 300 tonnes par an ; on en répertoriait 7 qualités différentes... De l'ancienne conserverie de Roquevaire, la Maison Giraud, située à l'angle de la rue du Docteur Arnaud et de la RD 96, il ne reste qu'une enseigne à peine visible sur le bâtiment.

Source: ROQUEVAIRE MAGAZINE N° 15 - ÉTÉ 2013